KAREN M.
C'est peut-être mes derniers jours que je passe à B.
Bien évidemment je pense à toi.
Voilà maintenant un an que nos routes se sont décroisées, parce que tu l'as souhaité.
Je suis restée un peu plus longtemps à l'Université il y a deux mois
pour t'apercevoir. C'était deux secondes, deux misérables secondes qui
m'ont permis de me rendre compte que peu importe le temps, je ne
t'oublie pas.
Quand je vais dans cette grande rue, je ne peux m'empêcher de tourner la tête vers cette ruelle où je sais que tu habites.
Là,
où je suis, je sais où tu habites. Je pourrai facilement y aller à pied
et sonner à ta porte. Pour qu'on puisse enfin se parler.
Mais j'ai déjà sonné chez toi et (heureusement?), tu n'étais pas là.
C'est ridicule. Je repense à une chanson que tu aimais bien "So Close
and still so Far" qui représentait ironiquement ce qui se produit
aujourd'hui.
Je ne veux pas revenir sur le mal que tu m'as fait en ayant une
réaction aussi infecte. Les amis me disent que tu ne méritais pas que
je te porte une telle attention et que tu n'étais qu'une pauvre conne
que je devrais rapidement oublier. Je sais que tout ça, c'est dû au
passé, à ce que tu as vécu.
Tu es une personne chaleureuse et généreuse mais en même temps, tu pouvais facilement avoir cette barrière de glace.
Tu
pouvais partager sans problème l'intimité de ta maison, mais en aucun
cas il était possible de "rentrer en toi". Te connaître, t'interroger,
savoir qui tu étais relevait du difficile. Tu n'es pas extrovertie. le
peu que tu as pu me confier de toi a été fait de manière froide et
distante. Comme si tu te protégeais de tout. Comme si c'était dangereux
pour toi de relever ce pan de ta vie. Je t'ai ensuite remerciée de
cette confiance que tu m'avais accordée ce à quoi tu n'as rien répondu.
Même les mots simples pour manifester aux gens que tu les apprécies ne
sortaient jamais de ta bouche. Ce nihilisme n'est en vérité qu'un
masque. Un masque où j'ai deviné que tu avais souffert. J'ignore ce que
tu as pu vivre, j'ignore même ce qui t'a rendue aussi froide, aussi
méprisante, mais il en demeure que ça du être quelque chose qui t'a
apparemment écorchée.
Je ne reviendrai pas sur ta réaction infecte. Je n'ai qu'un souvenir
précis qui me revient. Un soir où j'avais passé la soirée chez toi. Il
était plus d'une heure du matin. Tu étais sur le seuil de ta porte, moi
en haut des escaliers, prête à descendre. Je t'ai remerciée sincèrement
de cette soirée entre amies où tu m'avais visiblement montré que tu
m'appréciais. ce qui fait que cette soirée avait été vraiment agréable.
Tu aurais pu me répondre "Moi aussi ça m'a fait plaisir" ou bien "Y a
pas de quoi". Mais tu t'es contentée de me regarder et de sourire. Ton
regard ne se détournait pas. C'est sans doute la seule et unique fois
que ton sourire m'apparaissait comme ça. On a du se regarder comme ça
pendant deux secondes à peine, mais ces deux secondes ont commencé à
réveiller quelque chose en moi. prise de panique, sans pour autant le
montrer apparent, je t'ai salué et je suis partie. Faut dire que j'aime
pas les instants comme ça où on se regarde sans rien dire. j'aime pas
regarder quelqu'un longtemps dans les yeux, je détourne toujours le
regard. Par instinct. Et là j'avoue que ce moment m'avait troublée.
Mais j'oublierai jamais ce sourire que tu as eu à ce moment-là. On
aurait dit que pendant quelques secondes à peine, tu baissais la
garde. Qu'il n'y avait plus cette putain de glace que j'essayais de
creuser pour saisir qui tu étais. Et ça, c'était bien.
Un an a passé.
Tu
as choisit de fuir. De me fuir. Par peur sans doute, mais aussi par
protection. Et moi? Tu me laisses dans quelle merde émotionnelle?
Certaines personnes ne comprennent pas que je puisse encore penser
à toi après tout ce temps. Un an. Mais le temps ne fait pas oublier. Il
ne fait que cicatriser les blessures. "Et sur les blessures, point de
suture." Indéniablement, cette chanson me fera toujours penser à toi.
je te vois toujours comme quelqu'un de bien. Maintenant, si tu
étais plus ouverte d'esprit, tu me demanderais: "Pourquoi moi?" Et moi
j'aurais envie de te répondre: "Parce que c'est toi. Et que ce ne sera
jamais aucune autre."
Elle que j'ai dessinée de tête... sans modèle alors que je n'y arrive jamais.